22/11/2010

Texte de Frederic-Charles BAITINGER

Le mythe de l’androgyne :

« D’abord, il y avait trois espèces d’hommes et non deux, comme aujourd’hui : le mâle, la femelle, et outre ces deux là, une troisième composée des deux autres, le nom seul en reste aujourd’hui, l’espèce a disparu : c’était l’espèce androgyne, qui avait le nom et la forme des deux autres. »

Platon, Le Banquet

Platon, dans son livre « Le Banquet », parle de l’amour comme étant la quête de notre moitié perdue, comme si la différence des sexes ne signifiait pas seulement la possibilité d’une union charnelle mais, la reformation d’un être auto-suffisant : d’un androgyne, autrement dit d’un être n’étant ni un homme, ni une femme, mais la réunion harmonieuse de ces deux caractères, en apparence contradictoires.
Et si Catherine Nicolas, en prenant pour thème de son travail l’idée d’une fausse gémellité, ne faisait que poursuivre sur le mode de la fiction ce mythe énoncé par Platon ? Voilà en tout cas, une question qui mérite d’être posée, car à travers ses hystoires de faux-jumeaux, Catherine Nicolas ne se contente pas de mettre en scène la croissance, puis la séparation de deux ovules ayant une naissance commune, mais plus profondément peut-être, elle donne un corps et un visage à la structure sous-jacente qui articule notre relation aux autres.
Or, si l’on en croit Platon, ce qui se joue d’éminemment complexe entre les Hommes (ce qui les attire et les sépare dans le même temps) n’est autre que ce qu’incarne la figure du demi-dieu Eros ; demi-dieu tantôt représenté sous les traits d’un homme (Mercure), tantôt sous les traits d’une femme (Vénus), mais bien plus souvent encore sous les traits d’un enfant céleste (Cupidon) capable de rendre fou d’amour les Hommes.
Ce n’est donc peut-être pas un hasard si Catherine Nicolas clôture sa série d’hystoires par une série de portraits d’enfants ; portraits qui, sans pour autant relever directement de la thématique des faux-jumeaux, en incarnent la dimension la plus profonde et la plus troublante : non pas l’idée de la distinction des sexes, ni moins encore celle de leur possible réunion, mais l’image même de leur relève et de leur autodépassement.

Frédéric-Charles Baitinger

Journaliste, philosophe et critique d’art pour Artpointfrance et Artension

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